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Condamnation de Nicolas Sarkozy: «François Hollande a créé le PNF pour casser la droite et ça a porté ses fruits»

Manon Laporte avocat

FIGAROVOX/ENTRETIEN – L’ancien président de la République a été condamné à trois ans de prison dont un ferme dans l’affaire des écoutes. Pour l’ancien juge d’instruction et avocat Paris Hervé Lehman, ce verdict contraste avec les peines prononcées à l’égard d’un ancien ministre socialiste. Et il y voit le signe d’un acharnement du PNF.

Hervé Lehman est ancien juge d’instruction et avocat au barreau de Paris. Il a notamment publié L’air de la calomnie, Une histoire de la diffamation (éd.du Cerf, 2020 ), Le Procès Fillon (éd. du Cerf, 2018) et Justice, une lenteur coupable (PUF, 2002).

FIGAROVOX. – Le tribunal correctionnel de Paris a déclaré coupable Nicolas Sarkozy de corruption et de trafic d’influence, ainsi que Thierry Herzog et Gilbert Azibert, dans l’affaire dite «des écoutes Paul Bismuth». Que vous inspire ce verdict ?

Hervé Lehman – C’est une victoire indiscutable du Parquet national financier. Celui-ci avait requis des condamnations à quatre ans de prison dont deux avec sursis, les peines prononcées de trois ans dont deux avec sursis sont à peine moins fortes. On peut rappeler que pour avoir renseigné Thierry Solère sur une affaire le concernant, l’ancien Garde des Sceaux socialiste Jean-Jacques Urvoas a été condamné en 2019 à… un mois de prison avec sursis.

Il y avait dans cette affaire deux éléments graves pour la démocratie : le premier est le fait qu’on a mis sur écoutes téléphoniques pendant huit mois un ancien président de République, leader de l’opposition, et que l’on avait écouté ses conversations avec son avocat. Dans quelle démocratie met-on sur écoute le leader de l’opposition, et écoute-t-on les conversations des avocats ? La seconde entorse à l’état de droit était l’enquête parallèle et secrète menée par le Parquet national financier pour identifier, par l’étude des fadettes de plusieurs avocats, une hypothétique taupe qui aurait renseigné Nicolas Sarkozy sur l’existence d’écoutes.

Mais le tribunal n’était pas saisi de ces deux questions, la première ayant été tranchée par la Cour de cassation et la seconde, si elle en dit beaucoup sur le Parquet national financier, ne disait rien sur l’affaire jugée. Le tribunal a donc juste regardé le dossier tel qu’il lui était soumis par le Parquet national financier et les juges d’instruction.

L’audience, pourtant, ne semblait pas avoir mis en lumière de preuves assez solides pour justifier une telle sévérité…

Le dossier reposait uniquement sur les écoutes téléphoniques. Il est certain que les trois prévenus ont discuté de la possibilité que le magistrat se renseigne sur l’affaire de Nicolas Sarkozy alors pendante devant la Cour de cassation et que l’ancien président de la République l’aide à obtenir un poste à Monaco. Mais il est certain aussi que ni l’un ni l’autre n’ont mis à exécution ces projets. Le point difficile pour la défense est que, juridiquement, il suffit qu’il y ait une offre pour que le délit de corruption existe. Toute la question était donc de savoir s’il s’agissait de «bavardage» comme l’a dit Nicolas Sarkozy, ou d’un réel projet. C’est ce que le tribunal devait trancher.

L’audience avait montré une défense très combative, mais finalement les juges avaient à analyser quelques phrases. Ce qui est plus surprenant que la condamnation elle-même, c’est le montant de celle-ci. Si projet il y a eu, il n’a pas été mis à exécution, ce qui constitue quand même une circonstance extrêmement atténuante, et l’objet de la corruption se limitait à se renseigner sur ce que la Cour de cassation allait décider quant à la restitution des agendas de Nicolas Sarkozy. Franchement, on a vu des affaires de corruption plus graves !

« Le dossier reposait uniquement sur les écoutes téléphoniques »

Hervé Lehman

D’aucuns, à droite, ont accusé le patron du PNF, qui représente le ministère public (l’accusation donc), de vouloir «se venger de l’ancien président de la République»…

Le Parquet national financier a été extrêmement agressif au cours de l’audience, comme d’ailleurs lors du procès Fillon. Ce parquet a été créé par François Hollande pour casser la droite, et cela a remarquablement porté ses fruits. On a vu tous ses dysfonctionnements dans les affaires Fillon (les pressions subies par Éliane Houlette – l’ex-femme à la tête du PNF – pour ouvrir une information permettant la mise en examen de François Fillon avant la présidentielle) et Sarkozy (l’affaire des fadettes des avocats). On voit également l’acharnement avec lequel le Parquet national financier a poursuivi l’ancien président de la République et son entourage.

François Mitterrand avait supprimé la Cour de sûreté de l’État, François Hollande a créé le parquet national financier. Le système atteint ses objectifs politiques, et tant pis si, au passage, les Français perdent toute confiance à la fois dans le personnel politique et la justice.

« Ce parquet a été créé par François Hollande pour casser la droite, et cela a remarquablement porté ses fruits »

Hervé Lehman

Il devrait y avoir un deuxième procès. Que peut-on en attendre ?

La cour d’appel peut très bien avoir une vision des choses différentes de celle du tribunal, que ce soit sur le fond de l’affaire ou, le cas échéant, sur les peines.

Traditionnellement, on parle beaucoup moins de l’affaire quand elle est jugée en appel, alors que c’est l’arrêt de la cour d’appel qui reste la seule décision qui vaille. Traditionnellement aussi, les débats y sont plus apaisés et plus techniques. Mais dans quelques jours, Nicolas Sarkozy comparaîtra à nouveau devant le tribunal correctionnel. C’est la stratégie du Parquet national financier : la multiplication des affaires rend de toute façon impossible le retour en politique de Nicolas Sarkozy.

Source: Condamnation de Nicolas Sarkozy: «François Hollande a créé le PNF pour casser la droite et ça a porté ses fruits» (lefigaro.fr)